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Un habitat partagé en 18 mois

Un habitat partagé en 18 mois

Ce post fait suite à celui du 30/11, au sujet du projet de Treffendel et de la vidéo sur youtube : ”Un écolieu en 6 mois”

J’observe que beaucoup de projets participatifs prennent des années de patiente construction collective, avec beaucoup de projets qui n’aboutissent pas, et ceux qui aboutissent voient souvent les groupes se déliter plusieurs fois avant de trouver une forme viable.

Je crois qu’il est difficile de construire un rêve à plusieurs. Je suis très sceptique sur le processus de définition de chartes ou d’objectifs ; je me demande si ce n’est pas juste du brassage de bonnes intentions ; par exemple, on peut réunir plein de gens autour de l’idée d’un lieu écolo mais qui s’avèreront, par la suite, très divergeants sur le niveau de sobriété. Comme le dis Sylvain, c’est au partage des outils que, concrètement, se construit le projet.

D’autre part, dans un groupe qui se constitue, personne n’a de légétimité pour s’opposer à la présence de tiers ; c’est au travers de conflits que l’écrèmage se fait, ce qui est toujours douloureux (voir le témoignage de Gwenaèle dont l’arrivée a provoqué un départ).

Je voudrais partager mon expérience qui a suivi un processus très différent.

En 1989, suite à une histoire affective, je propose à mes amis de créer un habitat partagé réunissant plutôt des parents isolés et des célibataires pour recréer une sorte d’alternative à la famille. Aussitôt, beaucoup de gens sont enthousiastes. J’organise la visite d’une maison passive et d’habitats partagés dans la région mais, déjà, il y avait des divergences entre option rurale ou urbaine, entre squatt amélioré ou investissement plus pérenne… Et entre ceux qui rêvent tout haut et ceux qui peuvent se retrousser les manches.

L’opportunité d’un Manoir à très bas prix (inhabitable en l’état) et à 7 km de Rennes se présente à nous. Mais, au moment de savoir qui était prêt à s’engager, il n’y avait plus personne (10 ans plus tard, j’ai revécu la même expérience : pour un projet de maison de vacances commune au Maroc ; parti à une dizaine, nous n’étions plus que 3 à l’arrivée + beaucoup de dommages relationnels).

J’étais en capacité financière d’acheter le manoir avec mon frère ; nous nous sommes donc embarqués dans l’affaire ; j’avais une expérience entrepreneuriale et une passion pour l’habitat ; cela a certainement facilité mon passage à l’acte. Nous avons fait le projet avec l’architecte, contracté un gros emprunt. Une fois le projet en rénovation, un premier couple s’est greffé au projet (nous avons fait un petit ajustement de plan) et, une fois habitable, 2 autres couples nous ont rejoint. Les apports de ces entrants étaient indispensables pour boucler le projet ; il y a donc eu une vraie prise de risques de notre part.

Ce que j’observe, c’est qu’une fois le lieu construit, c’est lui qui détermine ses habitants ; ils n’ont pas à se positionner sur un rêve mais sur quelque chose de concret, ce qui est beaucoup plus simple. Et ce sont ceux qui ont pris le risque initial, puis les premiers en place, qui choisissent les nouveaux entrants. Les remplacement ont suivi le même processus ; pour ceux qui ont vu ”L’auberge espagnole”, nos choix de membres fonctionnaient comme dans le film…

Pour répondre à Demos Kratos (l’auteur de la vidéo), cela nous a pris 18 mois entre l’idée, l’acquisition, une très grosse rénovation et l’entrée dans les logements. Et donc oui, il est possible d’aller vite. Avons nous fait des erreurs ? Certes, nous avons réduit la voilure sur les parties communes mais nous aurions pu faire la même erreur collectivement. Sinon, je n’ai rien à renier des choix engagés.

Beaucoup de gens appréhendent le risque humain ; beaucoup d’histoires d’amour finissent mal ; cela ne nous empêche pas de les tenter… En 30 ans, il y a eu un certain turn over. Il y a eu quelques erreurs de casting ; en général, ceux là se sont retirés rapidement (il y a eu une exception mais cela fera l’objet d’un post spécifique). En dehors de cette exception, le Manoir a attiré plutôt des gens passionnants, et beaucoup sont partis (pour des raisons familiales ou professionnelles) le cœur déchiré après avoir vécu une expérience humaine qui les avaient transformés.

Aujourd’hui, je me réembarque pour un habitat partagé à Moulins (35680). Je suis en train d’acheter une petite maison à la campagne sur un terrain de 2400 m². Le projet est de la rénover et l’agrandir pour en obtenir une maison passive. Il s’agira de vivre à 3 ou 4 dans cette maison ; nous aurons chacun une chambre assez grande (30m²) qui permette de recevoir intimement. Mon souhait : que le jardin en permaculture soit le lien fédérateur.

J’ai le budget pour l’achat de la maison et établir le projet architectural, mais ne suis pas en capacité de financer des travaux et pas même d’emprunter. Une nouvelle fois, je fais le pari que c’est le projet qui déterminera le groupe et non l’inverse.

Remarquez que dans ces deux expériences, comme dans celle de Treffendel, il y a eu au départ l’opportunité d’un lieu déjà construit avec des caractéristiques pratiques adéquates et quand il y a une opportunité immobilière, la nécessité d’une décision rapide ne peut s’accomoder du long temps de gestation d’un collectif.

Je ne place pas notre expérience en exemple. Je veux juste dire qu’il peut être plus simple, si on a les moyens financiers et une vision globale, d’engager le processus… Vu le nombre de projets morts nés, partir à 2 ou 3 est un gage d’efficacité et cette efficacité là, drainera toujours du monde.

Rémi : futurible100@gmail.com

Petit mot de Parasol : Nous sommes heureux de publier les travaux des membres de la communauté Parasol et cet article en fait partie. Certains d’entre nous au CA de l’association ne partage pas tout à fait la vision évoqué dans cette article mais c’est ça aussi l’habitat participatif, vivre ensemble tout en acceptant nos différences ! En espérant que cette article vous aura plus et n’hésitez pas si vous aussi vous souhaitez contribuer d’une façon ou d’une autre à notre association de bénévoles et d’entraide de l’habitat participatif.